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Points forts
- Les décès liés à la violence des islamistes militants ont augmenté de 20 % cette année (passant de 19 412 en 2022 à 23 322) marquant un nouveau record de violence mortelle. Cela représente un doublement des morts depuis 2021.
- 83 % des décès enregistrés se sont produits au Sahel et en Somalie. Respectivement, ces deux régions ont subi une augmentation annuelle du nombre de morts liées à la violence extrémiste de 43 % et 23 %.
- Le tableau qui se présente à travers le continent est cependant très varié. En effet l’Afrique du Nord et le Mozambique ont vu des réductions dramatiques, de 98 % et de 71 % respectivement, dans le nombre de morts liées à la violence des militants islamistes.
- Ces diminutions démontrent qu’il est possible de progresser contre les groupes islamistes militants en Afrique.
- En raison de la baisse de l’activité violente dans ces deux régions, 99 % des morts imputables à l’activité des groupes islamistes militants en Afrique se produisent au Sahel, en Somalie et dans le Bassin du Lac Tchad.
- Les diminutions de l’activité violente en Afrique du Nord et au Mozambique ont contribué à une baisse de 5 % dans le nombre d’évènements violents attribuables aux extrémistes violents en Afrique cette année pour atteindre 6 559.
- Ce déclin dans le nombre d’incidents violents attribuables aux groupes islamistes militants en Afrique est le premier qui soit survenu depuis 2016 quand 2 513 évènements violents s’étaient produits.
- Cette baisse s’est accompagnée d’une diminution de 13 % des décès liés à la violence contre les civils, une violence qui a diminué dans toutes les régions sauf le Sahel.
Sahel
- Les 11 643 morts estimées attribuables à la violence des islamistes militants au Sahel représentent un nouveau record, quel que soit le théâtre parmi les cinq du continent depuis le pic dans la violence de Boko Haram de 2015.
- Les décès au Sahel ont quasiment triplé depuis 2020, date du premier coup d’État dans la région qui avait ostensiblement été justifié par l’insécurité.
- Les morts au Sahel représentent 50 % des décès signalés en Afrique attribuables aux islamistes militants en 2023. À titre de comparaison, les décès signalés en 2020 au Sahel et attribuables aux islamistes militants représentaient alors 30 % des morts signalées en Afrique.
- La violence contre les civils représente 35 % des événements violents attribuables aux islamistes militants au Sahel, le chiffre le plus élevé de toute région d’Afrique.
- Étant donné le rétrécissement dramatique de l’espace médiatique empêchant les médias de faire état de l’insécurité grandissante depuis les putschs au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le nombre d’événements violents et de décès attribuables imputables aux groupes islamistes militants dans la région est probablement sous-signalé.
- La plupart de l’augmentation des morts est attribuable à la coalition du Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimin (JNIM), notamment le Front de libération du Macina et Ansaroul Islam. Cette coalition est associée à une augmentation de 67 % dans le nombre de décès signalés, ces derniers atteignant 9 195 contre 5 499 en 2022
- La coalition JNIM est associée à 81 % de la violence des islamistes militants au Sahel.
- En revanche, les décès associés à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) ont diminué de 7 % en 2023 (soit 2 448 morts).
- Le Burkina Faso a subi 67 % des morts attribuables aux islamistes militants au Sahel (soit 7 762). Ce chiffre est plus du double que le nombre de morts signalées en 2022.
- Le Burkina Faso subit donc la violence extrémiste la plus importante de la région pour la troisième année consécutive. Les groupes islamistes militants, en majorité Ansaroul Islam et les autres entités du JNIM, ont assiégé au moins 36 villes burkinabés et contrôlent aujourd’hui plus de la moitié du territoire du pays.
- La Mali comptabilise 34 % de la violence des islamistes militants signalée dans la région (avec 1 014 événements et 2 863 morts).
- Le Niger, qui a subi un putsch à la mi-2023, a vu la violence augmenter de 9 % par rapport à 2022 (avec 231 événements signalés) et une augmentation de 48 % dans le nombre de morts (pour atteindre 793). La plupart de ces décès se sont produits après le putsch. La grande majorité (93%) des décès liés à la violence contre les civils au Niger est attribuable à l’EIGS (242 morts).
- Le Bénin a continué à subir l’escalade de la violence des islamistes militants dans le nord du pays. Avec la contagion depuis le Burkina Faso, le nombre d’événements violents et des décès signalés (soit 150) a doublé au Bénin en 2023. Au Togo, la violence des islamistes militants s’est cependant maintenue en 2023 avec 14 événements signales et 49 morts.
- Selon les meilleures estimations, il y aurait plus de 330 000 réfugiés et plus de 2,5 millions de déplacés internes (PDI) au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Il y a plus de 2 millions de PDI au seul Burkina Faso.
Somalie
- La Somalie a subi une augmentation de 22 % des morts en 2023 pour atteindre un niveau record de 7 643 morts. Quasiment toute cette violence implique des événements imputables à Al Shabaab.
- Les morts ont triplé depuis 2020.
- La majorité des événements (65 %) et des morts (77 %) sont liés à des batailles, ce qui reflète l’offensive encore en cours du gouvernement somalien contre al Shabaab.
- En 2023, le Kenya a subi un doublement dans le nombre de morts (soit 279) attribuables à la violence d’al Shabaab, en majorité le long de la frontière avec la Somalie. Environ 96 % des décès signalés dans la région se sont cependant produits en Somalie.
- En Somalie, le conflit, associé à la sècheresse et aux inondations, a contribué à ce que 4,3 millions de personnes subissent des niveaux de crise ou plus (phase 3+ de l’IPC) d’insécurité alimentaire.
Bassin du Lac Tchad
- Les événements violents attribuables aux groupes islamistes militants ont augmenté d’un quart en 2023 (pour atteindre 1 203), renversant une baisse de la violence que la région avait vécue depuis 2020.
- Les 3 769 morts liées à ces événements violents reflètent un plateau continu ces dernières années. Cependant, la région du Bassin du Lac Tchad demeure la troisième la plus meurtrière d’Afrique puisque 16 % des décès attribuables aux islamistes militants s’y produisent.
- La quasi-totalité des événements liés aux extrémistes violents dans cette région sont attribuables à Boko Haram et à l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWA). Ansaru, située dans le nord-ouest du Nigeria, était largement absent.
- Les événements violents liés à Boko Haram et à l’ISWA sont équitablement partagés, même s’ils varient selon le type de violence. Plus de batailles et de violence à distance, et les morts qui leur sont imputables, sont liées à l’ISWA. Cependant, Boko Haram est responsable de 59 % des attaques contre les civils. Cela corrobore les observations passées selon lesquelles Boko Haram est le plus prédateur des deux groupes.
- Afin de contrôler du territoire, des ressources et des combattants, Boko Haram et l’ISWA se battent entre eux ainsi que contre les armées de la région du Lac Tchad. Cela s’ajoute à une violence et une criminalité généralisée qui se déroule en majorité dans le nord-ouest du Nigeria où 3 600 personnes ont été kidnappées et nombre d’entre elles tuées en 2023.
Nord du Mozambique
- La violence des islamistes militants dans le nord du Mozambique a diminué de 71 % cette année. 127 événements violents et 260 morts y ont été signalés en 2023.
- Cette évolution est attribuable à l’offensive conduite l’année dernière par les forces de la SADC et du Rwanda qui avaient été déployées en juillet 2021 pour aider l’armée mozambicaine à déloger les extrémistes des villes de Palma et Mocimboa da Praia.
- Ces forces ont pu reprendre le contrôle de 90 % du territoire des insurgés, conduisant les survivants dans les régions rurales du district de Macomia, où ils sévissent aujourd’hui en petit groupes sans bases qui conduisent des attaques aléatoires contre les civils.
- L’année dernière a vu une baisse de 80 % dans la violence contre les civils. Cela est particulièrement remarquable car la violence des islamistes militants dans le nord du Mozambique s’est toujours distinguée par des niveaux extraordinairement élevés de violence contre les civils. En 2023, 23 % des morts sont imputables à la violence contre civils, avec 53 attaques contre les civils et 61 morts (en 2022, 286 attaques et 438 morts avaient été enregistrées).
- Pour cette année, la question sera donc de voir si ce progrès pourra être maintenu étant donné la résilience des militants dans cette région. Il faudra veiller à répondre aux griefs qui sont les facteurs de l’instabilité au Cabo Delgado. Par ailleurs, 850 000 déplacés internes ne sont toujours pas rentrés chez eux.
Afrique du Nord
- Les événements violents attribuables aux groupes islamistes militants en Afrique du Nord ont chuté de 98 % l’année dernière. Seuls quatre événements ont été signales en 2023.
- Les décès imputables à ces événements ont pareillement chuté de 98 % pour atteindre environ 7 morts.
- Si cela représente la continuation d’une amélioration régulière sur les huit dernières années, cela n’en demeure pas moins une transformation majeure pour une région qui avait subi 4 097 morts attribuables aux groupes islamistes militants en 2015.
- Ces dernières années, la menace des extrémistes violents en Afrique du Nord s’était majoritairement focalisée sur la péninsule du Sinaï en Égypte. L’évolution dramatique de 2023 reflète donc une chute des événements des islamistes violents au Sinaï de 156 en 2022 à un seul. La dernière attaque de l’État islamique au Sinaï, perpétrée contre l’armée égyptienne, date de février 2023.
- Malgré ce déclin historique des événements imputables aux extrémistes violents dans la région, les Nations unies et d’autres estiment que l’État islamique en Libye et Al Qaeda au Maghreb islamique demeurent fermement implantés dans le sud de la Libye et consistent donc toujours une menace.
En plus: Sahel Security Trends